samedi 7 décembre 2024

RD Congo : révision ou changement de la Constitution ?



Selon la plus grande majorité des membres de la mouvance présidentielle en République Démocratique du Congo, la Constitution du 18 février 2006, communément appelée Constitution de Liège, n’est pas souveraine puisqu’elle a été conçue à l’époque sous des pressions diverses des belligérants, du Rwanda, de l’Ouganda et des multinationales extracontinentales. Aux dires d'un bon nombre d'affidés de de l'Union Sacrée pour la Nation (USN), la Loi fondamentale étant de facto une Constitution de suspicion, c’est-à-dire provisoire, elle devrait tout simplement être remplacée.

Un no man’s land

Il est évident que l’implication indirecte des puissances étrangères dans la rédaction de la Constitution ayant été concoctée en Belgique selon les recommandations des accords de Sun City, finalisée en République Démocratique du Congo et adoptée par référendum le 18 février 2006 montre la volonté manifeste de s’ingérer – à court, moyen et long terme – dans les affaires intérieures d'un pays souverain. L'objectif avait consisté à rendre ce pays ingouvernable en inoculant dans ma Loi fondamentale tous les ingrédients susceptibles de faire de ce géant aux pieds d’argile un « no man’s land » et d’hypothéquer l’avenir de ses populations. La dépendance nationale était donc le premier leitmotiv en vue du pillage des ressources naturelles et, in fine, de la balkanisation du territoire congolais.

Quelques anomalies

La Constitution est par essence un texte qui fixe l’organisation et le fonctionnement d’un organisme, généralement d’un État. Elle définit plutôt les droits et les libertés des citoyens ainsi que l’organisation et les séparations du pouvoir politique. Elle précise l’articulation et le fonctionnement des différentes institutions qui composent l’État. Il est néanmoins évident qu’une Constitution n’est pas un fourre-tout. Or, il existe dans la Constitution congolaise des dispositifs qui relèvent des lois organiques et d’application. Il y a bien entendu un besoin réel de la faire évoluer. Encore faut-il que cela ne se fasse pas seulement pour les intérêts du pouvoir en place, ou d’un groupe d’individus.

Les modalités légales

Le législateur a prévu les modalités selon lesquelles la Loi fondamentale pourrait être modifiée. Il s’agit d’une procédure de révision soit pour corriger des imperfections, soit pour modifier des règles de fonctionnement du régime. Cette procédure est « souple » lorsqu’elle peut être révisée par les mêmes organes et selon les mêmes procédures servant à l’adoption des lois ordinaires. Cela permet d’adapter la Constitution aux circonstances sans formalisme excessif et sans blocage politique. Mais il faudra veiller à ce que le texte constitutionnel ne soit pas déstabilisé, ni modifié au gré des circonstances et des rapports de force, alors même qu’il a pour fonction de mettre en place un cadre institutionnel pouvant permettre de surmonter les crises politiques.

Un texte non figé

La Loi fondamentale n’étant pas un texte figé, tout en préservant les dispositifs verrouillés d’une éventuelle modification, la Constitution du 18 février 2006 devra être révisée dans le seul but de rétablir l’égalité effective de tous les Congolais au regard de la Loi, d’e d'harmoniser ses dispositifs, de reconnaître le caractère inaliénable de la nationalité congolaise d’origine et de renforcer l’aspect initial relatif au caractère impersonnel.
En revanche, en ayant prévu des dispositifs bloqués, notamment les articles 218, 219 et 220, le législateur a introduit la notion de l’inconstitutionnalité de tout acte qui ne tiendrait pas compte de cette interdiction. Seule l’abrogation de l’actuelle Constitution peut permettre de passer outre les dispositifs non révisables. On ne pourra y parvenir que par un coup d’Etat constitutionnel, ou par un référendum. Or, aucune révision constitutionnelle ne peut porter atteinte à l’intégrité du territoire, ni à la forme républicaine des institutions étatiques. En agissant au profit des intérêts personnels ou d’une quelconque nomenklatura, on fera perdre à la Constitution sa portée symbolique et sa suprématie au regard des autres textes juridiques.

jeudi 5 décembre 2024

Urgence d’une réforme constitutionnelle en RDC ?


En République Démocratique Congo, faisant fi de l’article 219 qui interdit une telle démarche « pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège », la majorité présidentielle souhaite réformer la Constitution approuvée par référendum en 2006 et révisée en 2011. Les arguments avancés à cet effet ont trait aux aspects politiques, financiers, économiques et sécuritaires.

Régression perpétuelle

On contribue sans cesse à l’anéantissement des efforts fournis depuis plusieurs périodes durant lesquelles la RDC a été astreinte à 53 ans d’un système politique dictatorial (1965-2018). Le pays a connu 15 ans de transition politique (1990-2005), plus de 27 ans des conflits armés ayant occasionné au moins 10 millions des morts parmi les populations civiles et vécu sans défense (depuis 1996). À ces maux il faut ajouter 3 ans de gestion consensuelle et de privatisation de la vie publique nationale par des seigneurs des guerres pourtant présumés auteurs des crimes imprescriptibles (2003-2006) et plus de 25 ans de présence de la plus grande, la plus importante et la plus budgétivore mission de maintien de la paix des Nations Unies (1999-2024).

Aspects politiques

La faillite administrative est la cause principale d’une crise économique sans précédent. Hormis l’exploitation illégale et le pillage des ressources naturelles, les exportations sont réduites en raison de l’insécurité, des difficultés d’accès et du délabrement général des infrastructures routières. Les Congolais, de l’avènement de Mobutu à la présidence de Tshisekedi, sont victimes de la faillite du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. Et les populations paient les frais du gangstérisme politique, du chevauchement et de l’empiétement dans la conduite de la chose publique, rappelant la dictature outrancière hier encore combattue par les acteurs aujourd’hui au pouvoir.

Le frein à l’émancipation populaire

Les multiples violations flagrantes, fréquentes et intentionnelles de la Constitution, notamment dans ses articles 213 et 214 relatifs aux traités et accords internationaux, ont transformé le chef de l’État en « homme-organe » dans le seul but d’honorer des accommodements contractés en secret. Force est de constater le fait d’avoir foulé aux pieds, dans un passé proche, la Constitution telle qu’approuvée par le peuple souverain en 2006 par référendum. La classe politique congolaise devrait en principe conforter les acquis des combats en vue de la libération et de l’émancipation du peuple congolais.

La vigilance patriotique

Pour éviter des actes graves de la part de l’exécutif, les parlementaires ne doivent pas rester indifférents, indépendamment de leur appartenance politique. En tant que souverain primaire, le peuple congolais doit aussi assumer ses responsabilités en dénonçant les manœuvres politiciennes de nature à hypothéquer son avenir. Ainsi revient-il aux populations congolaises d’exprimer, à l’issue d’un débat démocratique, si les dispositifs constitutionnels sont la cause principale des carences des infrastructures, de l’emploi, de l’éducation, de la santé, de la pénurie d’eau et d’électricité, ou de la mauvaise gouvernance, de l’insécurité à travers le territoire national ou de l’occupation de certaines collectivités par des puissances étrangères.

Le nœud du problème

Le nœud du problème qu’il faudra dénouer n’est pas tant la révision ou le changement de la Constitution, mais la bonne compréhension des fondements de la violence en RDC. Comment se fait-il que depuis l’indépendance le Congo a sans arrêt été victime d’instabilité orchestrée soit par le gouvernement central, soit par les acteurs régionaux et internationaux ? Au-delà de la difficulté du leadership à gouverner, l’appartenance à une communauté nationale existe seulement dans les esprits des Congolais, mais non dans les échanges quotidiens du fait de l’enclavement de plusieurs régions. Dans ces conditions, on ne peut impulser une dynamique unitaire qu’en développant les moyens de communication et les réseaux routiers. La mauvaise foi représente donc une variable d’ajustement pour conserver le pouvoir, l’appartenance ethnique étant souvent utilisée au détriment d’un projet politique. Parmi les raisons qui expliquent l’incapacité du pays à prendre en main son destin figurent l’absence de vision commune des leaders congolais et les différents conflits ethniques.

Le souverain primaire

Le président Tshisekedi a souhaité « laisser le libre débat entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre ». Effectivement, sur son intention de réformer la loi fondamentale, le dernier mot devrait revenir au peuple dans un pays de droit. Les règles démocratiques du jeu ne devraient pas être imposées. De plus, la Constitution congolaise ne prévoit pas de « changement » mais permet la possibilité d’une « révision ».

mardi 3 septembre 2024

C'était Booker T. Washington

Quand bien même les Afro-Américains subissaient des injustices de la part des populations blanches, Booker T. Washington avait privilégié l’universalisme au communautarisme en vue de la dignité par la formation et l’autonomie économique. Il était l’un des rares Noirs à avoir réussi à dépasser la différence des couleurs dans le Sud de l’après-guerre civile. Son objectif avait consisté à parvenir à l’égalité sociopolitique entre les Blancs et les Noirs, dans une Amérique pourtant sous tension raciale.
En dépit de moult critiques, WEB Du Bois avait fini par admettre le statut de Booker T. Washington en tant que leader à la fois racial et national, l’ayant décrit comme « le seul porte-parole reconnu de ses dix millions d’amis et l’une des figures les plus remarquables » dans une nation de soixante-dix millions d’habitants. En plus, il était largement considéré comme la principale voix des anciens esclaves et le Noir américain le plus puissant de 1895 jusqu’à sa mort en 1915 au point d’avoir été reçu officiellement à la Maison Blanche par le président Theodore Roosevelt. Cette réception aurait-elle préfiguré la banalisation des Noirs dans la haute fonction publique des États-Unis (Colin Luther Powell, Condoleezza Rice, Charlotte Moton Hubbard…) et la victoire en 2008 de Barack Hussein Obama à l’élection présidentielle, ainsi que l’avènement de Kamala Harris ?

Titre : C'était Booker T. Washington
Auteur : Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Éditeur : L'Atelier de l'Égrégore
Sortie : 1er octobre 2024
Poids : 156 g
Prix : 14,50 € +5,00 € (frais d'envoi) : 19,50 €
Précommander le livre : https://pay.sumup.com/b2c/X6USKJOV3I



jeudi 27 juin 2024

Le Congo de 1885 à 1960, et après ?


Trois phases ont marqué l’histoire de la République Démocratique, à son travers son long et tumultueux fleuve. Elles ont successivement trait l’État libre du Congo, au Congo belge, ainsi à la période postcoloniale couvrant, la présence belge sur le sol congolais ayant duré 75 années.

L’État indépendant du Congo

L’accession au trône de Belgique en 1864 par le duc de Brabant a été considérée par Lord George Clarendon comme une nouvelle consécration de l’œuvre de 1830 et la plus forte garantie du maintien de la paix en Europe. Bien avant cet événement, Léopold II s’était intéressé à l’idée de colonisation. Le système économique mis en place par les Hollandais dans la partie occidentale de Java l’a beaucoup impressionné lors d’un voyage en 1865 en Indonésie. Par conséquent, grâce aux expéditions du journaliste et explorateur, le monarque belge a délimité un immense territoire au centre de l’Afrique et réussi à le faire reconnaître comme État indépendant du Congo (EIC) en 1885 à la Conférence de Berlin. Il l’a ensuite administré de manière privée. Les atrocités commises sur les populations locales en vue d’un rendement maximal des ressources naturelles ont suscité l’indignation et la mise sur pied en 1904 d’une commission d’enquête internationale. En 1908, mettant fin aux 23 années de gestion léopoldienne, le Parlement de Belgique a voté l’annexion de l’État indépendant du Congo.

Le Congo belge et le système colonial

En 1908 le roi du Congo, reconnu comme tel par la Chambre des représentants en avril 1885, a donc légué son immense concession à l’État belge. L’appellation de Congo belge et ses frontières définitives n’ont été fixées qu’à la fin des années 1920 – par les accords de Bruxelles de 1927, complétés par trois protocoles. Ceux-ci ont été successivement signés en 1929,1930 et 1934. L’article 2 de la Charte Coloniale de 1908 ayant prescrit la non-contrainte de travailler au profit des sociétés ou des particuliers au Congo, l’État colonial belge a fait en sorte d’effacer l’image tyrannique de la gestion léopoldienne sans pour autant en changer le fonctionnement proprement dit.

Selon les experts, l’État indépendant du Congo a instauré une économie criminelle sur la base de la violence et le Congo belge n’a pas fait beaucoup mieux. Cela s’est articulé de diverses manières : usurpation des terres et travail forcé, limitation des droits et libertés sur le plan du travail, mise sur le marché des matières premières et système d’exportation au profit des grandes entreprises, pression permanente sur la population en application du principe de l’autofinancement de la colonie. Dans les deux cas de figure, il s’est agi d’une politique de prédation. Outre des améliorations après la Seconde Guerre mondiale relatives au développement des structures sociales et des soins de santé, à l’amélioration des conditions de travail et à l’instruction, ces progrès à l’image d’une « colonie modèle » reposaient sur l’oppression et un système racial. De plus, l’exploitation des richesses ayant soutenu la violence et la coercition comme élément fondamental de la domination coloniale, la nature de l’économie a été caractérisée par un enchevêtrement entre l’État et le capital, le public et le privé, au profit des grandes entreprises. En grande partie, à propos de l’État colonial belge, l’empreinte laissée par le mode de gouvernement a concerné une main-d’œuvre presque « gratuite » et le recours aux mesures contraignantes.

Les conséquences de la colonisation

53 ans plus tard, sans faire abstraction de la responsabilité des acteurs congolais, le système structurel de la colonisation belge aurait des conséquences importantes pendant la période postcoloniale. On assisterait à un effondrement de la production agricole au cours des premières années de l’indépendance du Congo, soit au moins 40 %, et à une dégradation des réseaux routiers de façon catastrophique. Quant à l’organisation de la propriété foncière, de la même façon que les intérêts des paysans indépendants ont été subordonnés aux planteurs européens, les élites congolaises postcoloniales reprendraient les anciennes concessions des Européens et perpétueraient l’appauvrissement. La perte de terres et l’exploitation des travailleurs pérenniseraient une classe sans cesse plus nombreuse d’agriculteurs sans terre.

Une seconde indépendance ?

À quelques jours du 64ème anniversaire de l’indépendance de l’ancien Congo belge, devrait se poser en principe la question du destin des populations congolaises. De 1960 à 2024, après divers régimes gouvernementaux, faudrait-il attendre encore 11 années de plus de quadrature spirituelle du cercle, soit l’année 2035, pour que le Congo de Kasa Vubu et de Lumumba, ainsi que de Kimbangu, accède à une seconde indépendance ? Un sursaut républicain s’enclencherait-il finalement en vue d’un processus salutaire sur la base du renouveau, du courage et de la suite dans les idées ?

Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko

lundi 3 juin 2024

Frère Angelo

Comme les Enfants de la Veuve ont voulu connaître son point de vue sur le sujet qui leur tenait tant à cœur et alimenterait le débat dans quelques minutes, le conférencier allait essayer de leur parler en toute sincérité du parcours d’un homme extraordinaire qui, au cours du XVIIIe siècle à Vienne, avait été, sans plus ni moins, chosifié après avoir fait l’objet de l’admiration et du respect de la part des membres de son Atelier. En tout cas, il essayerait de s’y prendre sans « mettre les gants », contrairement aux pratiques en usage lors des travaux d’obligation et à l’exceptionnelle image des Frères qui, hic et nunc, assistaient à ladite séance. L’opportunité s’y prêtait bien, faudrait-il croire.
Frère Angelo. Tel était le titre du discours qui serait prononcé sur un Vénérable Maître de la Franc-Maçonnerie autrichienne. Sans prétendre connaître mieux que les individus présents dans le Temple les fonctions et qualités propres à l’exercice d’un vénéralat, l’orateur occasionnel s’apprê­tait donc en toute modestie à les entraîner sur les traces de ce fabuleux personnage qui était venu d’ailleurs. De plus, cet homme était leur Frère. Le sien, parce qu’il avait des ascendants africains. Le leur, du fait d’avoir été initié Franc-Maçon.

Titre : Frère Angelo
Auteur : Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Genre : biographie
Éditeur : L'Atelier de l'Égrégore
Sortie : 1er juillet 2024
Poids : 156 g
Prix : 13,85 € +5,00 € (frais d'envoi) : 18,85 €

vendredi 31 mai 2024

La guerre des dupes dans la région des Grands Lacs africains


Depuis plus d’une vingtaine d’années, se déroule une drôle de guerre dans la région des Grands Lacs africains. Celle-ci oppose la République Démocratique du Congo à la coalition militaire rwando-ougandaise. Le bilan est très lourd du côté congolais : des millions de morts, des milliers de personnes déplacées et de femmes violées, le pillage des ressources naturelles… À qui profite réellement la déstabilisation de la RDC ? Quels sont les dessous des cartes, à propos de la stratégie consistant à se servir sur la bête ?

Des États mercenaires

Quelles sont les raisons les raisons de la présence de l’armée rwandaise dans le Kivu sous l’étiquette du M23, et de l’armée ougandaise dans l’Ituri pour traquer les supposés rebelles des ADF ? Il faudrait s’intéresser à la face cachée de l’iceberg pour cerner les motivations des agresseurs de la RDC. Depuis l’administration Clinton, l’Ouganda et le Rwanda sont devenus des bras armés des États-Unis en Afrique de l’Est. La transformation de ces deux pays en États mercenaires a d’abord permis l’éjection de la France du sol congolais, qui plus est un fief francophone, ensuite l’obtention du quitus en vue de l’appropriation à moindres frais des minerais stratégiques dont regorgent l’Ituri et le Kivu. Les produits du pillage sont écoulés à travers le monde au profit des receleurs composés d’entreprises basées en Occident, ainsi que dans des États d’Asie et du Moyen-Orient.

Des visées expansionnistes

Derrière la sale besogne qu’effectuent le Rwanda et l’Ouganda en RDC se cache en réalité des projets communs et divergents. Outre le fait de déstabiliser le territoire congolais pour satisfaire la demande extracontinentale, les pays agresseurs espèrent s’agrandir au détriment de leur grand voisin, le Rwanda ayant la ferme intention d’annexer le Kivu et le Maniema, tandis que l’Ouganda envisage de faire main basse sur l’Ituri. Ainsi manœuvrent-ils à l’insu de leurs parrains. Pour justifier l’agression contre la RDC, nombreux sont les prétextes évoqués : menace des FDLR et des ADF contre les régimes rwandais et ougandais, lutte contre le soi-disant plan d’extermination des populations rwandophones par Kinshasa, les frontières tronquées par l’ancienne puissance colonisatrice... Cela laisse supposer que, dans un cas comme dans l’autre, le conflit armé dans l’Est de la RDC relève du foncier. Par ailleurs, des pays régionaux préfèrent curieusement un grand voisin aux pieds d’argile à une puissance géostratégique pouvant servir de point d’appui au développement économique de l’Afrique.

La volonté manifeste du statu quo

Les affrontements armés dans la partie orientale de la RDC s’apparentent à de la mascarade dès lors que les belligérants bénéficient des mêmes soutiens militaires et diplomatiques. Dans l’absolu, à partir du moment où ils trouvent leur compte à travers cette guerre des dupes et bénéficient des sous-traitants à cet effet, les alliés non continentaux qui sont d’ailleurs les mêmes pour la RDC, l’Ouganda et le Rwanda n’auront aucun intérêt à ce que la situation évolue. Dans cette optique, pour continuer à avoir accès aux mines d’or à ciel ouvert, ils se satisferont de la faiblesse du pays agressé. A contrario, ils n’accepteront pas son démembrement au profit des sous-traitants soucieux de leur propre confort économique et géostratégique. Tant que la situation dans l’Est du Congo restera inchangée, les marionnettistes ne cesseront de tirer les ficelles et les pantins continueront de s’articuler en vue du spectacle macabre et contre-productif. In fine, la démographie régionale en pâtira longtemps et les trois pays belligérants consacreront le gros de leurs budgets à l’effort de guerre et non à leur développement. Ainsi la guerre des dupes souhaitées par les puissances de nos jours hégémoniques ôtera-t-elle, pendant au moins un demi-siècle, à l’Afrique la possibilité de jouer, sur un pied d’égalité, sa partition en vue d’un monde juste et équilibré.

Éviter les deux écueils

La RDC parviendra-t-elle à pacifier, dans un tel contexte, son territoire déstabilisé à dessein par quelques-uns de ses voisins manipulés de l’extérieur du continent ? Comment sortir indemne des écueils qui, tels Charybde et Scylla, matérialisent l’étau qui menace sa souveraineté ? Le gouvernement congolais, diplomatiquement et militairement soutenu par les partenaires de ses agresseurs, parviendra-t-il à enrayer le plan du puissant conglomérat des pilleurs et des receleurs ? Dans l’affirmative, s’imposera dans le délai le plus court possible un véritable changement d’alliances de toutes parts. Dans la négative, il faudra envisager d’autres partenariats pour faire face à l’agression. Kinshasa doit vite résoudre cette kafkaïenne équation aux multiples finalités, au risque de contenter, impuissante, de la dramatique situation aux conséquences à la fois nationales, régionales et continentales.

mardi 12 mars 2024

Le Congo-Kinshasa, un pays au cœur de la nouvelle géopolitique planétaire ?



Ces derniers temps, après un long silence notamment de la communauté internationale par rapport à la dramatique situation en cours dans la région du Kivu et dans l’Ituri, plusieurs voix commencent enfin à se faire entendre en vue de la pacification de la République Démocratique du Congo. Certes, encore timidement. Le gouvernement congolais doit-il forcément compter sur les puissances étrangères, s’agissant de la sécurisation et de la pacification de la partie orientale de son territoire ? Quelques facteurs doivent sans conteste être pris en compte, quant aux enjeux planétaires qui, aux dessous des cartes, se jouent cyniquement sur l’échiquier congolais.

La souveraineté nationale

Rappelons hic et nunc le traditionnel principe politique faisant du peuple le détenteur du pouvoir suprême d’une nation ou d’un État, la légitimité des gouvernants et des institutions étatiques n’étant que la matérialisation du consentement des citoyens. Ainsi est-ce une erreur fatale de croire qu’une force militaire venue d’ailleurs peut mieux assurer la défense du territoire congolais. Quand bien même l’on ne peut faire abstraction du contexte croissant de mondialisation, les défis auxquels est confrontée la République Démocratique du Congo ne peuvent être surmontés que par des décisions politiques nationales au regard des facteurs externes. Par conséquent, pragmatisme obligeant, les relations bilatérales ou multilatérales ne peuvent être nouées, ou maintenues, que sur la base de la fiabilité du partenariat existant ou en devenir. Avec neuf frontières étatiques, pour la survie de l’unité nationale, le gouvernement congolais doit de toute évidence doter son pays d’une armée performante et patriotique, a fortiori dissuasive, ainsi que d’une intelligente politique des affaires étrangères. L’armée nationale congolaise doit se transformer, de facto, en bras armé de la diplomatie. La mutualisation des forces régionales ne doit être que complémentaire, notamment dans le cadre des accords de non-agression et d’assistance mutuelle en cas de déstabilisation extrarégionale. Par ailleurs, entre autres dispositifs, une politique monétaire basée sur l’alignement du franc congolais sur les ressources naturelles ne peut qu’être salutaire s’agissant du commerce extérieur.

Le double jeu de la communauté internationale

Les populations congolaises doivent être les premières gardiennes de leur souveraine, même si le patriotisme ne doit nullement exclure les partenariats régionaux dans le cadre des unions douanières et de politique de libre-échange au vu de la circulation des biens et des personnes, de la construction des infrastructures transnationales… Les relations économiques et diplomatiques ne doivent en aucun cas se nouer au détriment de la vision interne. Le peuple congolais doit toujours avoir à l’esprit les néfastes conséquences de l’opération Turquoise depuis 1994 et le double jeu de certaines puissances non continentales dans leur soutien au pays agresseur qu’est principalement le Rwanda, ainsi que le soutien à Laurent-Désiré Kabila contre le régime mobutiste par des forces non congolaises en vue de la prise du pouvoir en 1997. En essayant par tous les moyens de parvenir à la déstabilisation de la République Démocratique du Congo, certains États receleurs de la région des Grands Lacs africains, voire mercenaires ou voyous, ne cessent de contribuer à l’affaiblissement de tout un continent. Et, au moment où tout est entrepris pour que le Grand Congo ne s’éveille surtout pas, l’Union africaine a tout à fait tort de s’inscrire sur la liste des abonnés absents. De plus, d’autres puissances non continentales tentent désespérément de résoudre l’équation congolaise, à plusieurs inconnues, au gré de leurs seuls intérêts.

Le panafricanisme

Mouvement et idéologie politiques en vue de l’indépendance totale du continent africain, le panafricanisme encourage la pratique de la solidarité entre les Africains et les personnes d’ascendance africaine à travers dans le monde, indépendamment de leurs origines ethniques, leurs appartenances religieuses, ou leurs apparences physiques. Dans cette optique, outre la consolidation du franc congolais, une vision panafricaniste relative à la mise en place d’une monnaie unique à usage continental facilitera les échanges commerciaux entre les pays d’Afrique. Ainsi, compte tenu de sa position géostratégique au cœur de l’Afrique, la République Démocratique du Congo peut enfin servir, et ce ne sont pas les atouts qui lui manquent, de locomotive du point dans le nouveau rapport de force planétaire. Tout n’est que question de volonté de la part des acteurs politiques et économiques congolais, en particulier, et, en général, de leurs homologues africains.

mardi 20 février 2024

La nouvelle géopolitique congolaise au regard de ses voisins de l’Est


L’identité des acteurs déstabilisateurs de la région du Kivu et de l’Ituri étant un secret de polichinelle, comme en témoignent moult rapports d’experts onusiens et associatifs, Kinshasa doit revoir ses relations, tant diplomatiques qu’économiques, avec quelques-uns de ses voisins d’Afrique de l’Est. Ainsi se pose-t-il in fine la question de la souveraineté de la République Démocratique du Congo et de la géopolitique de la région des Grands Lacs africains [lire la suite].

vendredi 16 février 2024

Pour un autre partenariat entre la France et l’Afrique

Rebelote ! Après Mitterrand l’Africain ?, ouvrage dans lequel il s’est penché sur la relation complexe entre l’ancien président français François Mitterrand et le continent africain et analysé son rôle dans la politique africaine de la France, ainsi que ses actions et ses décisions ayant influencé les relations franco-africaines pendant son mandat présidentiel, Gaspard-Hubert Lonsi Koko récidive. Dans Autopsie de la présence français en Afrique, il tente de faire le bilan circonstancié en vue d’une perspective intéressante sur les dynamiques qui pourraient façonner un partenariat sur de nouvelles bases entre la France et l’Afrique.

Un diagnostic sans concession

Dans cet ouvrage, il est surtout question d’un examen critique de l’histoire et de l’impact négatif de l’influence française sur le développement des pays africains. Sur une évaluation des conséquences sociales, économiques, politiques et culturelles d’une politique sclérosante pour les sociétés africaines, cette excellente analyse fustige la politique néocolonialiste et l’exploitation économique. L’auteur n’oublie pas non plus de pointer du doigt la complicité de certains dirigeants africains, dont le défaut de vision panafricaniste a consolidé la domination française, dans « pré carré » et au-delà, au détriment du bonheur des populations africaines.
Sur l’évaluation des conséquences sociales de la colonisation, les divisions ethniques et religieuses artificielles, ainsi que les politiques discriminatoires et les traumatismes historiques, Gaspard-Hubert Lonsi Koko évoque la résistance et les mouvements de libération comme exemple à suivre en vue de la souveraineté effective du continent africain. Ainsi suggère-t-il que, du point de vue culturel, les populations africaines se réapproprient hic et nunc l’héritage ancestral sans pour autant sombrer dans le solipsisme. De plus, notamment sur les plans technologique et médical, quelques acquis de la période post-coloniale méritent d’être préservés et revitalisés.

Les perspectives

Cet essai articule une vision à la fois géopolitique et géostratégique. Il est question d’une réflexion critique sur les différents aspects évoqués supra dans le but de mieux comprendre les dynamiques historiques et contemporaines qui, de nos jours, façonnent les sociétés africaines. Il s’agit également, dans cet ouvrage, d’une compréhension approfondie des interactions historiques entre la France et l’Afrique. Une telle analyse ne pourra qu’éclairer les sociétés africaines sur les opportunités en cours et à venir. Tout justement, à propos des perspectives d’avenir s’agissant des relations futures entre la France et l’Afrique, plusieurs tendances et défis sont à prendre en considération. Nombreux sont en effet les défis à relever. Ceux-ci se rapportent aux nouvelles formes de partenariat, au développement économique, à la gouvernance et la démocratie, à la sécurité et la stabilité, aux enjeux environnementaux, ainsi qu’aux dynamiques culturelles et sociales. Ainsi l’auteur préconise-t-il in fine des voies et moyens en vue d’un partenariat humaniste dans une approche renouvelée et mutuellement bénéfique, l’accent devant être mis sur le développement économique sur la base du gagnant-gagnant, la gouvernance démocratique, la sécurité et la stabilité régionale, la durabilité environnementale et les échanges culturels dans le cadre d’une Francophonie à géométrie non variable.

Titre : Autopsie de la présence française en Afrique
Auteur : Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Genre : essai
Poids : 258 g
Prix : 16,90 € + 5,00 € (frais d'envoi)
Sortie : 8 janvier 2024



vendredi 12 janvier 2024

L’Écrivain, analyste politique et conférencier, Gaspard-Hubert Lonsi Koko commente les élections de décembre 2023 en RDC


Quel regard portez-vous sur les élections générales qui se sont tenues, le 20 décembre 2023, en RDC ?


Mon attention s’est surtout focalisée sur la non-consolidation de la CENI par une loi qui aurait dû définir clairement son champ d’action et ses partenaires institutionnels sans pour autant sombrer dans la mise sous tutelle. En effet, pour ne pas altérer son indépendance fonctionnelle, la CENI aurait dû dépendre du ministère de l’Intérieur que sur les plans financier et administratif et fonctionner en toute impartialité. Elle aurait dû fonctionner sur la base d’un contrat d’objectifs et de performance (COP) signé avec les ministères du Budget et de l’Intérieur.

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Propos recueillis par Robert Kongo

© Infos27

jeudi 11 janvier 2024

Françafrique, chronique d’une oraison funèbre

Le tout dernier essai de l’écrivain congolais Gaspard-Hubert Lonsi Koko sortira en librairie le 8 janvier 2024. Est-ce une façon pour l’orateur de livrer aux lecteurs, au moment où la France est de plus en plus en mauvaise posture en Afrique, la chronique d’une oraison funèbre ? En tout cas, dans Autopsie de la présence française en Afrique, il est question d’un discours public habilement prononcé à la mémoire d'une relation passée. Le lecteur a l’impression d’assister à l’enterrement de la Françafrique lors d’une cérémonie initiatique en vue d’une renaissance sur des bases nouvelles.
Dans cet ouvrage, Gaspard-Hubert Lonsi Koko évoque les relations personnelles entre les chefs d’État français (de Charles de Gaulle à Emmanuel Macron en passant par François Mitterrand) et leurs homologues africains. Il décline un synthétique aperçu sur les périodes coloniale et néocoloniale, sans oublier de gloser sur les intérêts de la France en Afrique. Il révèle les méthodes du gendarme français et leur finalité à travers des traits de caractère et des faits teintés d’hypocrisie. Enfin, tel un entomologiste, il s’attarde sur la raison d’un divorce aux relents d’un décès.
Ce livre, après avoir montré le chaotique passé ayant caractérisé les relations franco-africaines, éveille la conscience panafricaniste. Il trace un sillon en vue d’une Afrique mieux armée aux futures relations avec ses différents partenaires.