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lundi 3 février 2025

Combats à Goma, Gaspard-Hubert Lonsi Koko : « Un front patriotique contre les agresseurs s’impose »


En dépit des initiatives régionales engagées par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADEC), les combats semblent se poursuivre pour le contrôle de Goma, la capitale du Nord-Kivu, entre les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. La ville, meurtrie et chaotique, paraît livrée à elle-même. Elle a basculé dans l’horreur. Interrogée par Robert Kongo, notre correspondant en France, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, écrivain, analyste politique et conférencier, livre son avis sur cette actualité brûlante en République Démocratique du Congo (RDC).


Goma, la capitale du Nord-Kivu, est le théâtre ces derniers jours de combats entre les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et les rebelles du M23 soutenus par les unités spéciales rwandaises. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
L’occupation d’une partie de la ville de Goma par des éléments de l’armée rwandaise sous l’étiquette M23 constitue la preuve de la déstabilisation de la région du Kivu sur ordre des forces négatives à travers le Rwanda. L’intervention armée de Kigali, sans cesse niée par le président Kagame, devrait ôter à ses alliés tout argument contraire à une implication étrangère en territoire congolais. La guerre vient d’être officiellement déclarée par les agresseurs. Et un tel défi doit être relevé par la RDC soit militairement sur le terrain, soit diplomatiquement en vue d’une désescalade conditionnée au retrait des agresseurs.

Comment expliquez-vous que le M23 et ses alliés rwandais arrivent à gagner les territoires aussi vite ?
Il faudrait appréhender les succès militaires du M23 et de son principal allié sous un prisme extracontinental, le président Kagame n’étant qu’un cynique mercenaire à la tête d’un État voyou au service d’une minorité qui s’octroie le monopole de la communauté internationale. Cette guerre dure parce que les autorités congolaises font confiance à des partenaires non sincères. Ces derniers financent, entre-temps, le Rwanda qui exécute les sales besognes à leur place. De plus, la déstabilisation de la région du Kivu leur permet de faire main basse, par procuration, sur les immenses richesses de la RDC.

Le mercredi 29 janvier, le président de la République, Félix Tshisekedi, s’est exprimé sur la situation à Goma. Comment avez-vous apprécié son adresse à la nation ?
Beaucoup de compatriotes ont vu dans la prestation télévisée du président Tshisekedi un message d’espoir, tandis que d’autres sont restés indifférents. Le patriotisme voudrait pourtant que nous nous conformions à la recommandation du garant de l’intégrité territoriale qu’est le Chef de l’État. Une portion du pays étant occupée, nous devons dépasser les divergences internes en vue de l’unité nationale et de la sauvegarde de l’intégrité territoriale. Face à cet état de fait, un front patriotique contre les agresseurs s’impose. C’est pourquoi, l’appel à l’unité nationale lancée par le président Tshisekedi, aussi tardif soit-il, relève du bon sens. Le pays est militairement assailli, et ce n’est plus le moment d’attiser le feu. Ne pas répondre favorablement à cette incitation patriotique, c’est cautionné la balkanisation et la soumission des populations congolaises à une volonté extérieure. La souveraineté est inséparable de l’intangibilité territoriale. La patrie, nous devons la sentir à tout moment dans nos veines.

« Une riposte vigoureuse et coordonnée est en cours », a-t-il dit. Pensez-vous que les FARDC soient vraiment motivées à mener cette guerre ?
Il n’est donc pas du tout impossible de récupérer les territoires occupés par les assaillants, dès lors que le masque est enfin tombé. Nous avons seulement perdu une bataille, et non la guerre. Si nos forces armées ne passent pas à l’offensive, elles perdront la guerre et le pays sera démembré. Les FARDC sont contraintes de rester motivées. Elles ont besoin du soutien populaire, et le gouvernement doit tout mettre en œuvre pour qu’elles montent davantage en puissance.

Selon vous, qu’est-ce qui explique la faiblesse des FARDC sur le plan militaire ?
Certains pensent que le programme DDR a fragilisé les structures des FARDC, puisque cela a permis l’infiltration, en son sein, des éléments favorables à l’expansionnisme rwandais au détriment de la RDC. La coexistence des criminels et des victimes dans notre armée ne pouvait qu’être contreproductive. Cela explique la connaissance par les agresseurs des positions et intentions des FARDC sur le champ des opérations. Cette mauvaise expérience devra inciter, à l’avenir, à une synthèse entre une armée de conscription et celle de métier.

Comprenez-vous que le président Tshisekedi ne se soit pas rendu à l’appel du président de la République du Kenya, président en exercice de l’East African Community (EAC), William Ruto, pour échanger sur la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC ?
Les avis sont partagés, s’agissant du refus du président Tshisekedi de se rendre à Nairobi. Rappelons que le bourreau de Kigali a récemment refusé de rencontrer son homologue congolais à Luanda dans le cadre des négociations supervisées par le président João Lourenço en vue de parvenir à la paix. Il a ensuite défié la communauté internationale, en poussant l’offensive jusqu’à Goma. Et, dans la foulée, on convoque manu militari le président congolais au Kenya pour lui imposer le dialogue avec le M23. Le refus du président Tshisekedi à l’initiative de son homologue William Ruto doit plutôt être interprété comme la volonté de faire face à l’agression dont est victime la RDC. Le fait de s’y rendre aurait été considéré comme un aveu d’impuissance. Non, il n’y aura pas d’armistice ni de capitulation. Nous avons le droit de nous défendre en contre-attaquant. La guerre finira, s’il le faut, d’où elle est partie. Ne sombrons pas dans la division. Ne trahissons jamais la patrie ! Que le drapeau ne tombe pas !

Peut-on chanter le requiem du processus de Luanda ?
Il y a une volonté manifeste de la part du Rwanda, de l’Ouganda et du Kenya de torpiller le processus de Luanda au profit de celui de Nairobi. L’heure n’étant plus au jeu de cache-cache sur le plan diplomatique, la RDC devrait quitter la Communauté d’Afrique de l’Est. Et, comme membre de la SADC, l’Angola devrait intervenir militairement aux côtés des FARDC et non continuer à endosser le rôle de l’arbitre non désiré. L’heure n’est plus au dogme du ni-ni.

Comment expliquez-vous la passivité de l’Union européenne (UE) et de l’Union africaine (UA) à ce sujet ?
Le receleur n’avait aucune raison de dénoncer les crimes commis par le gardien de ses intérêts dans la région des Grands Lacs africains. Maintenant qu’il n’y a plus anguille sous roche, on verra bien si l’Union européenne va changer ou maintenir son positionnement propre au statu quo. Quant à l’Union africaine, nul n’ignore son financement par l’institution européenne. Par conséquent, elle est à la botte de celle-ci. Il faudrait réfléchir sérieusement au renforcement du panafricanisme, voie salutaire pour un continent autonome.

Présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale de France, Marine Le Pen, exige la dissolution du mariage Rwanda –UE. Elle accuse l’Union européenne d’être le « receleur du pillage du Rwanda en RDC ». Qu’en pensez-vous ?
Il est difficile de mettre en cause les déclarations de madame Marine Le Pen. Elle sait forcément de quoi elle parle. Quand un poisson révèle ce qui se passe dans un cours d’eau, celui qui ne s’y aventure pas ne peut que l’écouter et prendre ses dispositions. Cela peut par exemple se traduire, en guise de prévention salvatrice, par la sortie de la RDC de la Francophonie, l’adhésion aux BRICS ou le développement du partenariat Sud-Sud.

Comment interprétez-vous l’inquiétude qui gagne la ville de Kinshasa avec le saccage des Ambassades occidentales et africaines pour cibles ?
Sans cautionner la violence et au-delà de la peur de l’avancée du Rwanda par l’entremise du M23, on peut expliquer cette attitude comme une pression exercée sur la communauté internationale pour l’inciter à se ranger du côté des justes. La réaction des Kinois, me semble-t-il, constitue une adresse à l’égard des décideurs internationaux. C’est une façon de montrer au monde entier, à une petite échelle, les prémices de la violence que pourront connaître l’Afrique centrale et celle de l’Est, si jamais le Rwanda persiste à se maintenir sur le sol congolais.

Les « sanctions ciblées » exigées par la RDC contre le Rwanda devant le Conseil de sécurité de l’ONU seraient-elles efficaces pour stopper l’agression dont le pays est victime de la part du Rwanda ?
Dès lors que le dessous des cartes est connu, les commanditaires ne peuvent plus continuer de s’abriter derrière la mauvaise foi. Le bénéfice du doute, argument sans cesse évoqué pour maintenir le statu quo, ne profite plus au Rwanda. Le fait de prendre des sanctions contre les autorités rwandaises et de décider le retrait immédiat des éléments du M23 et du FPR permettra enfin, espère-t-on, au Conseil de sécurité des Nations unies de contribuer à la pacification de la région des Grands Lacs africains. Cela dépendra donc de la nature des sanctions qui devront frapper aussi les entreprises concernées par les minerais de sang. Les Congolais ne pardonneront pas tant que les auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité ne seront condamnés soit par un Tribunal pénal international, soit à l’issue d’une justice transitionnelle. La paix régionale ne sera pas garantie sans la démilitarisation du Rwanda.

D’après-vous, comment sortir de cette crise sécuritaire dans l’Est de la RDC qui dure depuis 30 ans ?
La balle est dans le camp de la classe politique et des forces vives de la RDC. L’unité nationale ne s’obtiendra pas par l’exclusion des Congolais d’origine du fait de la détention d’une citoyenneté étrangère, ni d’ailleurs par le tribalisme dans les institutions étatiques, encore moins par le tripatouillage de la Constitution dans l’optique d’un pouvoir à vie. Pour sortir de l’insécurité qui risque d’hypothéquer l’existence de notre pays, nous devons nous doter d’une armée performante et patriotique, d’une police et d’une gendarmerie républicaines, d’une classe politique à la hauteur des défis en cours et au service d’un peuple réellement souverain.

Propos recueillis par Robert Kongo (CP)

© EcoNews

samedi 21 octobre 2023

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko


1. Les 26 et 28 octobre prochains, vous animerez un dîner-débat sur l’avenir des relations entre la France et l’Afrique. Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?

Ces dîners-débats se dérouleront à Paris. Le premier est initié par Éric Malmaison, le président du cercle de réflexion Démocratie, valeurs républicaines (DVR), tandis que le second se tiendra dans le prestigieux restaurant du Sénat sous la houlette de Maryse Anson, la présidente de l’association  LVE Île-de-France. Ces échanges sont sans conteste motivés par le contagieux séisme en cours dans la ténébreuse nébuleuse de la Françafrique. L’objectif consiste à façonner en toute liberté de conscience l’argile pendant qu’elle est humide.  

2. À Paris, on entend de toute part le même refrain : « La Françafrique est morte et enterrée. » Pourtant, d’aucuns disent que « la Françafrique est l’empire qui ne veut pas mourir ». Quel est votre point de vue ?

Selon un proverbe togolais, il faut faire semblant d’enterrer l’individu qui simule son décès. La passionnelle attitude du président Emmanuel Macron incite plus d’un observateur à s’interroger sur la caution apportée au non-respect de la Constitution au Tchad à propos de la succession d’Idriss Déby, contrairement au courroux contre le Niger, le Mali et le Burkina Faso, et à l’indifférence au regard du Gabon. Le choix du président français se manifeste également dans son soutien diplomatique au Rwanda anglophone aux dépens d’un grand pays francophone comme le Congo-Kinshasa exposé au bantoucide et à moult tentatives de morcellement. Cette politique à géométrie variable démontre l’hypocrisie ayant sans cesse caractérisé la coopération franco-africaine. Ayons toutefois à l’esprit la mitterrandienne prémonition, selon laquelle il n’existerait plus d’histoire de France au XXIe siècle sans l’Afrique.

3. De Ouagadougou à Libreville, de Niamey à Bamako, de Guinée-Conakry à Dakar, la jeunesse se révolte contre ce qu’elle perçoit comme une mainmise française sur son destin. Comprenez-vous l’attitude des jeunes ?

Confronté à l’harmattan et aux aspirations des populations opprimées, mûr ou non, le fruit ne peut que tomber de l’arbre. Certes, la jeunesse africaine n’a rien contre les citoyens français. Elle dénonce plutôt l’épicière gestion, par l’Élysée, des relations entre la France et l’Afrique. Ainsi souhaite-t-elle solder définitivement le compte de la colonisation pour envisager de manière humaniste la posture postcoloniale. Il est plus que jamais temps de passer à un avenir constructif entre les deux continents. Cela nécessitera que l’on sorte des archaïques sentiers battus au seul profit de la France, a contrario au détriment de l’Afrique à cause, entre autres fléaux, des dramatiques mouvements migratoires.

4. La France a commis des erreurs, en n’appréciant pas à leur juste valeur les évolutions du continent africain et les aspirations de sa jeunesse. Peut-elle encore rester une puissance importante en Afrique et un ami ? 

Le pas de danse s’adapte en principe au nouveau rythme de la musique, disent les Bantous. Il est évident que, comme partout ailleurs, les populations africaines aspirent en toute souveraineté et dignité aux voies salutaires pour le développement de leurs pays et de leur continent. Cela passera d’abord par le ressourcement dans le panafricanisme, tout en évitant de sombrer dans le solipsisme. L’intérêt de la France pour les ressources naturelles, ainsi que les suffrages dans le concert des Nations Unies et des organisations internationales, ne doit plus être fonction des éliminations physiques, des déstabilisations étatiques ou des guerres (armées, voire bactériologiques). Les Africains souhaitent sur leur sol une France humaniste. Ils ne veulent plus d’un partenaire paternaliste, voire belliqueux. La France étant le pays des Droits de l’Homme et des Lumières, ils espèrent un échange culturel et une coopération économique sur la base des transferts de savoir-faire et de technologie idoine.

5. Quel avenir pour les relations entre la France et l’Afrique, selon vous ?  

Rappelons que l’Afrique est tout à fait libre de développer l’axe Sud-Sud. Elle ne doit pas se contenter ad vitam æternam des relations Nord-Sud. Dans un tel contexte, prenant en compte la surenchère en matière de transaction, la France devra se doter d’une réelle politique africaine par le biais de l’Union Européenne et des institutions internationales dont elle est membre comme la zone d’ Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), la Francophonie, les différentes structures des Nations Unies, ainsi que dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (PEM). Au-delà de l’aspect panglossien, le parlement français doit avoir droit de regard, quant aux actions gouvernementales sur le plan extérieur. Les perceptives doivent être dans l’absolu envisagées sur le plan euro-africain, c’est-à-dire un bilatéralisme continental et non étatique.

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France

© Le Potentiel

(*) Écrivain, analyste politique et conférencier

jeudi 19 octobre 2023

Le regard africain sur l'Europe

Aujourd’hui, l’Europe et l’Afrique peuvent-elles envisager une nouvelle relation sur des bases saines ? Peut-on changer leur rapport, en ayant à l’esprit l’immigration et le co-développement ? S’agissant de la France, oserait-on encourager la suppression de la cellule africaine de l’Élysée au profit de l’intervention parlementaire en amont dans certaines missions, notamment les actions militaires dans les pays du « pré carré » ? S’agissant de l’Union européenne, doit-elle systématiquement financer l’Union africaine dans le but de maintenir ses États membres dans la dépendance ?
Multilatéralisme ou bilatéralisme dans les relations entre les pays africains et ceux d’Europe ? Aurait-on enfin l’intelligence, compte tenu du poids colonial, de dépasser le paternalisme et le bilatéralisme pour mettre l’être humain au cœur de la politique africaine de l’Europe ? Que faire pour que le destin commun profite réellement aux peuples ? Comment les jeunes Africains perçoivent-ils l’avenir de leur continent ? Le panafricanisme, est-ce une voie à développer à tout prix ? Transfert de techniques et de technologie, en échange des matières premières et d’autres marchés ? Assistance matérielle ou aide financière ? Exigence de la protection du bassin du Congo, en contrepartie d’une contribution à l’éducation et à la santé ? Alignement des monnaies africaines, pourquoi pas de la monnaie unique africaine, sur la valeur des ressources naturelles, et non sur le dollar américain, ni sur l’euro ? Indexation automatique du franc CFA sur les critères de la Banque de France, ou alors dépendance ou non à la Banque centrale européenne ? Retrait des troupes militaires étrangères du territoire africain ?
Voilà les questions dont les réponses permettront de sortir, en principe, des rapports dominants-dominés, d’envisager des relations responsables, respectueuses, justes, pérennes et davantage constructives entre les deux continents.

Titre : Le regard africain sur l’Europe
Auteur : Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Éditeur : L’Atelier de l’Égrégore
Pagination : 238
Poids : 281 g
Prix : 17,99 € + 5,00 (frais d'envoi)