samedi 7 décembre 2024

RD Congo : révision ou changement de la Constitution ?



Selon la plus grande majorité des membres de la mouvance présidentielle en République Démocratique du Congo, la Constitution du 18 février 2006, communément appelée Constitution de Liège, n’est pas souveraine puisqu’elle a été conçue à l’époque sous des pressions diverses des belligérants, du Rwanda, de l’Ouganda et des multinationales extracontinentales. Aux dires d'un bon nombre d'affidés de de l'Union Sacrée pour la Nation (USN), la Loi fondamentale étant de facto une Constitution de suspicion, c’est-à-dire provisoire, elle devrait tout simplement être remplacée.

Un no man’s land

Il est évident que l’implication indirecte des puissances étrangères dans la rédaction de la Constitution ayant été concoctée en Belgique selon les recommandations des accords de Sun City, finalisée en République Démocratique du Congo et adoptée par référendum le 18 février 2006 montre la volonté manifeste de s’ingérer – à court, moyen et long terme – dans les affaires intérieures d'un pays souverain. L'objectif avait consisté à rendre ce pays ingouvernable en inoculant dans ma Loi fondamentale tous les ingrédients susceptibles de faire de ce géant aux pieds d’argile un « no man’s land » et d’hypothéquer l’avenir de ses populations. La dépendance nationale était donc le premier leitmotiv en vue du pillage des ressources naturelles et, in fine, de la balkanisation du territoire congolais.

Quelques anomalies

La Constitution est par essence un texte qui fixe l’organisation et le fonctionnement d’un organisme, généralement d’un État. Elle définit plutôt les droits et les libertés des citoyens ainsi que l’organisation et les séparations du pouvoir politique. Elle précise l’articulation et le fonctionnement des différentes institutions qui composent l’État. Il est néanmoins évident qu’une Constitution n’est pas un fourre-tout. Or, il existe dans la Constitution congolaise des dispositifs qui relèvent des lois organiques et d’application. Il y a bien entendu un besoin réel de la faire évoluer. Encore faut-il que cela ne se fasse pas seulement pour les intérêts du pouvoir en place, ou d’un groupe d’individus.

Les modalités légales

Le législateur a prévu les modalités selon lesquelles la Loi fondamentale pourrait être modifiée. Il s’agit d’une procédure de révision soit pour corriger des imperfections, soit pour modifier des règles de fonctionnement du régime. Cette procédure est « souple » lorsqu’elle peut être révisée par les mêmes organes et selon les mêmes procédures servant à l’adoption des lois ordinaires. Cela permet d’adapter la Constitution aux circonstances sans formalisme excessif et sans blocage politique. Mais il faudra veiller à ce que le texte constitutionnel ne soit pas déstabilisé, ni modifié au gré des circonstances et des rapports de force, alors même qu’il a pour fonction de mettre en place un cadre institutionnel pouvant permettre de surmonter les crises politiques.

Un texte non figé

La Loi fondamentale n’étant pas un texte figé, tout en préservant les dispositifs verrouillés d’une éventuelle modification, la Constitution du 18 février 2006 devra être révisée dans le seul but de rétablir l’égalité effective de tous les Congolais au regard de la Loi, d’e d'harmoniser ses dispositifs, de reconnaître le caractère inaliénable de la nationalité congolaise d’origine et de renforcer l’aspect initial relatif au caractère impersonnel.
En revanche, en ayant prévu des dispositifs bloqués, notamment les articles 218, 219 et 220, le législateur a introduit la notion de l’inconstitutionnalité de tout acte qui ne tiendrait pas compte de cette interdiction. Seule l’abrogation de l’actuelle Constitution peut permettre de passer outre les dispositifs non révisables. On ne pourra y parvenir que par un coup d’Etat constitutionnel, ou par un référendum. Or, aucune révision constitutionnelle ne peut porter atteinte à l’intégrité du territoire, ni à la forme républicaine des institutions étatiques. En agissant au profit des intérêts personnels ou d’une quelconque nomenklatura, on fera perdre à la Constitution sa portée symbolique et sa suprématie au regard des autres textes juridiques.

jeudi 5 décembre 2024

Urgence d’une réforme constitutionnelle en RDC ?


En République Démocratique Congo, faisant fi de l’article 219 qui interdit une telle démarche « pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège », la majorité présidentielle souhaite réformer la Constitution approuvée par référendum en 2006 et révisée en 2011. Les arguments avancés à cet effet ont trait aux aspects politiques, financiers, économiques et sécuritaires.

Régression perpétuelle

On contribue sans cesse à l’anéantissement des efforts fournis depuis plusieurs périodes durant lesquelles la RDC a été astreinte à 53 ans d’un système politique dictatorial (1965-2018). Le pays a connu 15 ans de transition politique (1990-2005), plus de 27 ans des conflits armés ayant occasionné au moins 10 millions des morts parmi les populations civiles et vécu sans défense (depuis 1996). À ces maux il faut ajouter 3 ans de gestion consensuelle et de privatisation de la vie publique nationale par des seigneurs des guerres pourtant présumés auteurs des crimes imprescriptibles (2003-2006) et plus de 25 ans de présence de la plus grande, la plus importante et la plus budgétivore mission de maintien de la paix des Nations Unies (1999-2024).

Aspects politiques

La faillite administrative est la cause principale d’une crise économique sans précédent. Hormis l’exploitation illégale et le pillage des ressources naturelles, les exportations sont réduites en raison de l’insécurité, des difficultés d’accès et du délabrement général des infrastructures routières. Les Congolais, de l’avènement de Mobutu à la présidence de Tshisekedi, sont victimes de la faillite du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. Et les populations paient les frais du gangstérisme politique, du chevauchement et de l’empiétement dans la conduite de la chose publique, rappelant la dictature outrancière hier encore combattue par les acteurs aujourd’hui au pouvoir.

Le frein à l’émancipation populaire

Les multiples violations flagrantes, fréquentes et intentionnelles de la Constitution, notamment dans ses articles 213 et 214 relatifs aux traités et accords internationaux, ont transformé le chef de l’État en « homme-organe » dans le seul but d’honorer des accommodements contractés en secret. Force est de constater le fait d’avoir foulé aux pieds, dans un passé proche, la Constitution telle qu’approuvée par le peuple souverain en 2006 par référendum. La classe politique congolaise devrait en principe conforter les acquis des combats en vue de la libération et de l’émancipation du peuple congolais.

La vigilance patriotique

Pour éviter des actes graves de la part de l’exécutif, les parlementaires ne doivent pas rester indifférents, indépendamment de leur appartenance politique. En tant que souverain primaire, le peuple congolais doit aussi assumer ses responsabilités en dénonçant les manœuvres politiciennes de nature à hypothéquer son avenir. Ainsi revient-il aux populations congolaises d’exprimer, à l’issue d’un débat démocratique, si les dispositifs constitutionnels sont la cause principale des carences des infrastructures, de l’emploi, de l’éducation, de la santé, de la pénurie d’eau et d’électricité, ou de la mauvaise gouvernance, de l’insécurité à travers le territoire national ou de l’occupation de certaines collectivités par des puissances étrangères.

Le nœud du problème

Le nœud du problème qu’il faudra dénouer n’est pas tant la révision ou le changement de la Constitution, mais la bonne compréhension des fondements de la violence en RDC. Comment se fait-il que depuis l’indépendance le Congo a sans arrêt été victime d’instabilité orchestrée soit par le gouvernement central, soit par les acteurs régionaux et internationaux ? Au-delà de la difficulté du leadership à gouverner, l’appartenance à une communauté nationale existe seulement dans les esprits des Congolais, mais non dans les échanges quotidiens du fait de l’enclavement de plusieurs régions. Dans ces conditions, on ne peut impulser une dynamique unitaire qu’en développant les moyens de communication et les réseaux routiers. La mauvaise foi représente donc une variable d’ajustement pour conserver le pouvoir, l’appartenance ethnique étant souvent utilisée au détriment d’un projet politique. Parmi les raisons qui expliquent l’incapacité du pays à prendre en main son destin figurent l’absence de vision commune des leaders congolais et les différents conflits ethniques.

Le souverain primaire

Le président Tshisekedi a souhaité « laisser le libre débat entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre ». Effectivement, sur son intention de réformer la loi fondamentale, le dernier mot devrait revenir au peuple dans un pays de droit. Les règles démocratiques du jeu ne devraient pas être imposées. De plus, la Constitution congolaise ne prévoit pas de « changement » mais permet la possibilité d’une « révision ».