vendredi 23 mai 2025

La République Démocratique du Congo, une tentative de recolonisation ?


Les traites des Noirs ont concerné le commerce d’esclaves noirs africains dans le cadre de la déportation de plusieurs millions de victimes durant près de treize siècles au cours des périodes de durée très différentes : la traite orientale ou arabe comme composante principale (17 millions de déportés sur 13 siècles), la traite intra-africaine (14 millions de déportés) et la traite atlantique ou occidentale ayant inclus le commerce triangulaire (12 millions de déportés, dont 90 % sur 110 ans principalement au XVIIIe siècle). Quant à la colonisation, elle a été matérialisée par l’occupation des terres étrangères pour des raisons économiques, politiques, militaires ou culturelles. Cela s’est effectué de diverses façons : l’occupation militaire d’un territoire, l’annexion pure et simple, l’immigration ordinaire, la logique de domination relevant de l’impérialisme.

Le rôle des pays africains

Au début des années 2000, le terme « minerais de conflit » a été utilisé pour la première fois afin de désigner et contrer le commerce illicite de minerais de grande valeur dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo. Ce commerce ne cesse d’être entretenu par le Rwanda et l’Ouganda, en finançant des groupes armés pour déstabiliser un pays souverain et s’approprier les ressources naturelles (étain, tantale, tungstène – les « 3T » –, ainsi que l’or), et de leur exportation à travers des chaînes d’approvisionnement bien rodées.
Soutenu par Kigali, le M23 a pris le contrôle des zones où est extraite la majeure partie du coltan congolais. En partenariat avec l’AFC, cette milice a consolidé son emprise sur le Kivu riche en ressources naturelles. Par la taxation et la contrebande de minerais, elle continue de tirer des profits substantiels de l’exploitation minière en territoire congolais. À titre d’illustration, les revenus mensuels du M23 provenant de l’extraction et du commerce de minerais de Rubaya sont estimés à plus 800 000 dollars américains. Les villes de Goma et de Bukavu, actuellement sous leur occupation, sont ainsi devenues des lieux stratégiques d’exportation et de transit des minerais. Ils occupent également Nyabibwe, une région riche en 3T.
Dans la province de l’Ituri, où sévit l’armée ougandaise, des groupes armés forment des alliances avec le M23 et l’armée ougandaise. Selon le Groupe d’experts des Nations Unies, ayant largement éclipsé les revenus tirés du commerce illicite des 3T, les groupes armés actifs dans cette région ont généré au moins 140 millions de dollars américains en 2024.

Le marché international

Les minéraux pillés par des groupes armés au profit du Rwanda et de l’Ouganda inondent depuis plus d’une vingtaine d’années le marché international. Ils trouvent preneurs auprès des entreprises basées hors du continent africain. De plus, de nombreux acteurs du secteur privé n’ont pas veillé à mettre en œuvre les mécanismes de diligence raisonnable dans leurs chaînes d’acquisition conformément aux normes préconisées par le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais en provenance de zones de conflit ou à haut risque. Les entreprises ferment les yeux, en dépit des alertes contenues dans les rapports du Groupe d’experts des Nations Unies, ne s’interrogent pas sur l’origine de leurs achats. Ils préfèrent se rendre complices et se reposent aveuglément sur les mécanismes sectoriels, assumant le risque d’être qualifiés des receleurs.

La paix régionale

La dramatique situation en cours dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo représente donc, sous la forme d’un commerce sur la base du pillage, le remake de la traite des Noirs et de la colonisation des pays d’Afrique subsaharienne. Ce processus se développe par la vente des ressources naturelles congolaises à des clients occidentaux et orientaux. Quand bien même le progrès technologique dépend des ressources congolaises, cela ne justifie en aucun cas la poursuite de leur commerce au préjudice de vies humaines et de violations des droits de la personne. Dans une telle optique, dès lors que l’expansion territoriale constitue la motivation première du Rwanda et de l’Ouganda, l’approvisionnement en minerais lié aux groupes armés ne suffira pas à résoudre le conflit. Seule une solution régionale facilitera la paix dans la région des Grands Lacs africains, conformément à la Déclaration de Lusaka de 2010 prévoyant une action conjointe contre le commerce illicite des ressources naturelles et ses liens avec les conflits et l’insécurité. Cela étouffera dans l’œuf l’idée en gestation dans des officines étrangères, quant à la recolonisation en toute discrétion de quelques pays d’Afrique en vue de l’exploitation consentie des terres rares par des puissances occidentales et orientales.

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